Un destin exceptionnel
Le Château de Chantilly est l’un des joyaux du patrimoine français. Il est aussi l’œuvre d’un homme au destin exceptionnel : Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897), cinquième fils de la reine Marie-Amélie et du roi Louis-Philippe, dernier roi des Français. Grâce aux précautions testamentaires prises par le duc d’Aumale, Chantilly reste, plus d’un siècle plus tard, un écrin de richesses préservées où le charme du XIXe siècle continue d’opérer.
En 1830, le duc d’Aumale, alors âgé de huit ans, hérite du Domaine de Chantilly et de l’immense fortune de son parrain Louis-Henri-Joseph de Bourbon, dernier prince de Condé.
Il devient ainsi l’un des plus importants propriétaires fonciers de France et n’aura de cesse tout au long de sa vie de rendre hommage à ses ancêtres et prédécesseurs. Étudiant au collège Henri IV, promis à un brillant avenir, le prince s’oriente vers une carrière militaire. Le duc d’Aumale fait ses premières armes dès 1840 en Algérie, s’illustre en mai 1843 lors de la prise de la Smalah d’Abd el Kader et devient gouverneur général de l’Algérie en 1847.
Sa fonction ne lui fait pas oublier Chantilly pour autant. Sous la monarchie de Juillet (1830-1848), peu après son mariage avec Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, il fait décorer ses appartements privés de Chantilly par Eugène Lami, élever une galerie de bois pour les desservir par l’architecte Duban, et projette de reconstruire le Grand Château mais il doit quitter la France après la Révolution de 1848 qui abolit la monarchie.
Exilé de 1848 à 1871 à Twickenham, près de Londres, il fait sienne la devise : « J’attendrai ».
Considéré comme le plus grand collectionneur de son temps, le duc d’Aumale entouré de conseillers compétents constitue une fabuleuse collection de livres précieux, de tableaux, de dessins et d’objets d’art dont il projette d’enrichir le domaine familial de Chantilly dès son retour en France.
À son retour en 1871, veuf et ayant perdu ses deux fils de 18 et 21 ans, il fait reconstruire le Grand Château (qui avait été détruit en 1799 pendant la Révolution) par l’architecte Honoré Daumet de 1875 à 1885, afin d’y exposer ses précieuses collections.
Puis il entame une carrière politique en devenant député de l’Oise en 1871 et entre à l’Institut de France* comme membre de l’Académie française, de l’Académie des Beaux-Arts, de l’Académie des Sciences morales et Politiques.
Sans descendants directs (ses deux fils, Louis et François, sont décédés jeunes), il donne le château de Chantilly et ses précieuses collections en 1886 à l’Institut de France sous réserve qu’à sa mort, le musée Condé soit ouvert au public, que sa présentation soit préservée et que les collections ne puissent être prêtées.
Le 7 mai 1897 le duc d’Aumale meurt dans sa propriété du Zucco en Sicile. Conformément à sa volonté le château a ouvert ses portes au public le 17 avril 1898 sous le nom de « musée Condé ». La présentation des collections est restée inchangée, le château apparaît ainsi tel qu’il était au XIXe siècle, l’occasion d’entamer un voyage dans le temps en plein cœur de la demeure du dernier grand prince français.
* L’Institut de France, créé en 1795, regroupe les Cinq Académies : l’Académie française, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, l’Académie des sciences, l’Académie des beaux-arts et l’Académie des sciences morales et politiques.