La rencontre entre virtuel et patrimoine
Le musée Condé de Chantilly conserve deux bureaux créés par l’un des plus grands ébénistes français de tous les temps, André Charles Boulle. Pour la première fois en France, une exposition lui est consacrée de juin à octobre 2024, au sein des Grands Appartements des princes de Condé au Château de Chantilly.
La société ExploVision et son fondateur, Philippe Dechenaux, ont mis leur savoir-faire au service du mobilier créé par André Charles Boulle. Le bureau plat de Louis IV Henri de Bourbon-Condé, la marqueterie, deux masques et un buste en bronze doré ont été modélisés en 3 dimensions.
Leurs principes de construction, les matériaux employés, le nombre de pièces en jeu, les systèmes d’assemblage mais aussi leurs secrets ont été percés à jour et sont donnés à voir et à comprendre de manière numérique. C’est un nouvel outil de compréhension, ludique et spectaculaire que vous retrouverez sur un écran interactif mis à votre disposition dans le Château de Chantilly près du bureau.
Bureau plat de Louis IV Henri de Bourbon-Condé, 7ème prince de Condé par André Charles Boulle
Le bureau créé par André Charles Boulle pour Louis Henri de Bourbon, 7ème prince de Condé (1692-1740) est l’un des mieux documentés de la production du célèbre ébéniste et constitue un jalon essentiel dans l’appréciation de son corpus. Trois sources nous permettent d’en retracer la genèse et de connaître les péripéties qui ont jalonné sa conservation. Ce « bureau de 6 pieds de long couvert en maroquin » fait partie des meubles du prince sauvés de l’incendie de l’atelier d’André Charles Boulle, place du Louvre, survenu dans la nuit du 30 août 1720.
Son exécution devait alors être aboutie. Il fut finalement livré à Chantilly puisqu’on le retrouve, vingt ans plus tard, à l’occasion de l’inventaire après décès du prince, dans le grand cabinet (l’actuel Salon de musique du Château de Chantilly). Il est alors décrit comme « un bureau de marqueterie d’ecail et cuivre a trois tiroirs garni de bronze doré d’or moulu couvert de maroquin noir de six pieds de long prisé quatre cent livres ». Il y demeure jusqu’aux confiscations révolutionnaires de 1793, date à laquelle le « grand bureau de Boul, à trois tiroirs à quatre faces » fut envoyé au Museum central des arts (avant d’être déposé au Château de Versailles, puis, en 2012, au Château de Chantilly).
Ce bureau marque l’aboutissement des recherches menées par André Charles Boulle vers l’établissement d’un bureau aussi fonctionnel que majestueux, digne ici d’un prince du sang, chef du conseil de régence et grand amateur de ses œuvres. Les fantastiques bronzes de têtes de femme, renvoyant à ceux des commodes du roi à Trianon, couronnent le rôle désormais déterminant donnés aux bronzes dorés, accompagnant les volutes de la marqueterie et épousant la forme cabrée des pieds chaussés de sabots à pattes de lion.
Date de création : vers 1720
Structure : chêne, résineux variés
Tiroirs : noyer commun
Placage : ébène d’Afrique
Marqueterie : type « Boulle » écaille de tortue brune incrustée de laiton gravé
Ornementation : bronzes ciselés et dorés à la feuille et à l’or moulu
Dimensions (Hauteur x Longueur x Profondeur mm) : 770 x 1980 x 930 mm
Focus sur la marqueterie « Boulle »
Afin de pouvoir découper une marqueterie « Boulle », il est nécessaire de constituer au préalable un « paquet ». Ce paquet est formé par deux contre-placages de bois tendre (15 à 20/10ème d’épaisseur) dans lesquels sont placés, les unes sur les autres, deux ou trois feuilles de placage d’essences et/ou de matériaux différents, des plus tendres (bois, écaille) aux plus durs (métaux).
On fixe le tout à l’aide de colle forte (os et nerf) sur la périphérie ou avec des pointes serties. L’ensemble est découpé « en superposition » au chevalet ou au bocfil, en suivant le trait du dessin qui est collé sur la contre-plaque supérieure. Les pièces obtenues sont ensuite « incrustées » en faisant alterner les formes claires avec les formes sombres afin d’obtenir des motifs en négatif et positif.
La marqueterie est ensuite plaquée sur son support à la colle forte teintée à l’aide de pigments. Cette colle « chargée » remonte ainsi dans les joints créés par le passage de la lame de scie et dessine ce liseré si significatif sur le pourtour de chaque pièce d’une marqueterie « Boulle ». Après ponçage, les motifs en métal sont généralement gravés au burin pour leur donner du relief. Cette gravure est remplie à la cire lors de la finition.
Masque d’Héraclite en bronze doré (face arrière du bureau en contrepartie)
Masque de Démocrite en bronze doré (face avant du bureau en contrepartie)
Buste de femme en bronze doré (chutes de pieds du bureau en contrepartie)
Remerciements
Nous adressons nos remerciements à Monsieur Maxence Hulin dont le soutien a permis de développer ce dispositif.