Le portrait de la Joconde nue, dite Mona Vanna, a été acquis en 1862 par Henri d’Orléans, duc d’Aumale. Le fondateur du musée Condé l’a acheté pour la somme remarquable de 7 000 francs comme étant de Léonard de Vinci. Le duc croyait y voir le carton préparatoire du tableau de l’Ermitage, alors donné au maître. L’œuvre a suscité des réactions enthousiastes ainsi que des rejets catégoriques à cause de son origine incertaine. Certains pensaient que c’était un carton préparatoire à la Joconde du Louvre ou un portrait érotique de Léonard de Vinci disparu. Sa nudité et son rapport évident avec le célèbre tableau du Louvre ont entraîné de nombreuses spéculations.
Une icône nue et inconnue
Il s’agit en effet d’un carton, c’est-à-dire d’un dessin à la taille définitive du tableau. Il est piqué pour permettre le report de la composition tracée au préalable grâce à l’application de poudre de charbon de bois (le spolvero).
Léonard de Vinci passait presque systématiquement par cette étape pour créer fresques et tableaux. Il en reste peu datant de la Renaissance, mais certains ont été conservés, comme celui du Portrait d’Isabelle d’Este (Louvre) ou celui de la Vierge à l’Enfant avec sainte Anne et saint Jean Baptiste (Londres, National Gallery). Le carton de la Joconde nue est peu connu mais d’autant plus précieux pour comprendre le fonctionnement de l’atelier de Léonard de Vinci.
Bien que la première mention d’une Joconde nue apparaisse dans l’inventaire des biens de Salaì, élève de Léonard, il s’agissait sans doute d’une copie qu’il avait peinte. Les analyses scientifiques récemment menées ont montré que le carton de la Joconde nue a probablement été exécuté à Rome entre 1513 et 1516, avant le départ de Léonard de Vinci pour la France, mais n’est malheureusement cité dans aucun document d’archive.
La Joconde, un portrait symbolique
Léonard de Vinci a commencé le portrait de Lisa del Giocondo à Florence vers 1503, mais ne l’a terminé que lentement, le conservant avec lui jusqu’à sa mort en France en 1519. Il a inspiré de nombreux artistes, dont Raphaël, et il existe plus d’une centaine de copies anciennes de l’œuvre.
La Joconde recèle un mystère, mais c’est sa fausse sœur jumelle, la Joconde nue, qui est aujourd’hui considérée comme la plus énigmatique. Elle est conçue sur le schéma de la Joconde du Louvre avec laquelle elle partage des dimensions à peu près similaires. C’est probablement une transposition ou un double érotique. Le modèle féminin de la Joconde nue, recréé et imaginaire, y révèle sa nudité au spectateur et le regarde dans les yeux, créant un jeu entre les genres masculin et féminin et entre différents genres picturaux. Elle symbolise la perfection esthétique, la fécondité, l’allégorie du printemps et la vanité.
Les spécialistes sont partagés sur l’origine de cette image de femme dénudée : est-ce une création de Léonard de Vinci ou une variation de son célèbre tableau réalisée par un élève ou un suiveur ? Qu’en pensez-vous ?
Au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) à Paris, une étude de laboratoire a été menée à l’automne 2017. Les résultats d’analyse ont montré que le carton de Chantilly a été utilisé comme modèle pour des peintures réalisées au sein de l’atelier du maître italien. Mais aussi que le carton a été tracé par un gaucher (or Léonard était gaucher), avec une technique proche du maître, par un artiste connaissant parfaitement bien la Joconde du Louvre…
L’exposition « La Joconde nue »
À l’occasion du 500ème anniversaire de la mort de Léonard de Vinci, durant l’été 2019, une exposition fut organisée au Château de Chantilly. Cette dernière dévoilait une partie du mystère entourant l’une de ses œuvres les plus célèbres, mais méconnues et mystérieuses, la Joconde nue, en explorant sa genèse, les conditions de sa création, sa polysémie ainsi que sa postérité. Pour la revivre, plongez dans nos expositions virtuelles avec Google Arts & Culture.
Le blogueur Scribe Accroupi vous emmène pour une visite de l’exposition dans cet article et dans cette vidéo :