Thomas Fouilleron, directeur des archives et de la Bibliothèque du Palais Princier de Monaco
Mathieu Deldicque, Conservateur en chef du patrimoine, Directeur du musée Condé
Une figure politique et artistique
La princesse de Monaco Marie-Catherine de Brignole- Sale (1739-1813), devenue princesse de Condé en 1808, est une figure politique et artistique majeure de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Elle fut une grande commanditaire à l’imagination foisonnante et bâtit un véritable paradis terrestre à Betz, dans l’Oise. Ces jardins constituent l’aboutissement du parcours artistique de la princesse de Monaco qui commença dès son enfance. Élevée à Gênes dans un palais entouré de chefs-d’œuvre, c’est en France qu’elle put exercer pleinement son goût, à Paris d’abord puis
dans les alentours de Chantilly.
Une princesse en quête de liberté
Héritière d’une des plus hautes familles de l’aristocratie génoise, Marie-Catherine grandit en Italie puis à la cour de France à Versailles, où son père est ambassadeur de la République de Gênes. Réputée pour sa beauté et son éducation raffinée, elle est mariée au prince Honoré III de Monaco. La jeunesse de Marie-Catherine de Brignole est toutefois entachée par un climat familial troublé. Son premier mariage et la naissance de ses deux fils ne viennent que momentanément interrompre l’acharnement du destin. Si Honoré III offre à sa femme le titre de princesse de Monaco, sa personnalité tyrannique, jalouse et violente lui fit vivre un véritable calvaire. Lorsque cet enfer vient mettre sa vie en péril, Marie-Catherine a la force de saisir les tribunaux pour obtenir son émancipation en demandant une séparation de corps et de biens, qu’elle obtient en 1770.
Le goût des beaux ouvrages
Enfin libérée du joug conjugal, en pleine possession de sa dot, la princesse s’épanouit auprès de son véritable amant et ami, le prince Louis-Joseph de Bourbon-Condé, propriétaire du Palais-Bourbon à Paris et du Château de Chantilly. Madame de Monaco entame alors de grands travaux, faisant appel aux meilleurs artistes de l’époque. À Paris, elle supervise la construction de l’hôtel de Monaco, sur une parcelle voisine du Palais-Bourbon. L’architecture conçue par Alexandre-Théodore Brongniart et les intérieurs décorés à la dernière mode en firent un bijou loué par les contemporains. Lorsque le couple n’est pas à Paris, il profite du Château de Chantilly et de ses jardins alors en pleine transformation avec la construction du hameau et de fabriques caractéristiques des jardins anglo-chinois.
Les jardins de Betz : chef-d’œuvre du style anglo-chinois
Au cadre en apparence idyllique de Chantilly, la princesse préfère, non loin de là, sa « retraite champêtre » sur les terres de Betz (Oise), où elle n’a pas à endurer la rudesse que lui réserve l’entourage du prince de Condé. Le parc de Betz est un chef-d’œuvre parmi les jardins anglo-chinois de l’époque, et constitue le sommet des commandes artistiques de la princesse de Monaco. Le jardin se découvre à l’occasion d’une promenade méditative, rythmée par des fabriques dessinées par le peintre Hubert Robert, annonçant déjà le goût pour l’esthétique des ruines et le romantisme du début du XIXe siècle. La tour médiévale, la Vallée des tombeaux, le Temple de l’Amitié, ou encore l’ermitage dans lequel vivait un ermite – observant des règles de vie strictes imposées par la princesse – sont autant de surprises qui ponctuaient les rêveries du visiteur.
La révolution et l’exil : l’héritage perdu de la princesse de Condé
La quiétude trouvée à Betz ne fut cependant que de courte durée, et la Révolution française vint bouleverser l’existence de la princesse. Le prince de Condé émigra dès 1789 et s’opposa aux Patriotes en prenant la tête des armées de Condé. La princesse resta à ses côtés pendant les rudes campagnes à travers l’Europe, faisant preuve d’un grand courage. Renonçant aux luxes d’antan, elle joua un rôle clé au sein du commandement des armées et sacrifia sa fortune personnelle pour les besoins de la guerre. Après avoir traversé ces épreuves, les deux amants s’exilèrent en Angleterre et se marièrent enfin en 1808. C’est dans cette terre éloignée des pays de sa jeunesse que la princesse expira en 1813.
La grande majorité des entreprises artistiques de la princesse n’ont pas survécu à la Révolution et aux aménagements du XIXe siècle. Sa personnalité, politique comme artistique, sombra alors dans l’oubli.
L’exposition coorganisée par le musée Condé et le service des Archives et de la Bibliothèque du Palais Princier de Monaco est la première manifestation monographique dédiée à la princesse de Monaco. Elle vise à redonner sa place à cette grande mécène, mieux cerner son goût artistique, et ressusciter ses hôtels, parcs et châteaux grâce à des sculptures, peintures, arts graphiques et documents d’archives inédits.
Commissariat
Informations pratiques
Lieu : Cabinet d’arts graphiques du château
Tarifs
Exposition comprise dans le billet 1 Jour